Critique de livre: Si c'est un homme par Primo Levi
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Primo Levi fait partie des juifs ayant survécu aux camps de concentration. Ce livre fort, fait office de témoignage. Un témoignage frappant de part bien sûr ce qu’il évoque mais aussi par la distance que Levi démontre face aux événements.
Mais pourquoi se remémorer de tels épisodes si terribles ? On pourrait se le demander et j’ai mon opinion toute personnelle mais l’auteur donne la sienne, profitons donc d’une citation pour la découvrir:
Nous sommes persuadés en effet qu’aucune expérience humaine n’est dénuée de sens ni indigne d’analyse, et que bien au contraire, l’univers particulier que nous décrivons ici peut servir à mettre en évidence des valeurs fondamentales, sinon toujours positives. Nous voudrions faire observer à quel point le Lager a été, aussi et à bien des égards, une gigantesque expérience biologique et sociale.
Sortie de son contexte on pourrait croire à un manque de sentiment, une distance froide par rapport au sujet si remuant mais ici c’est bien un acteur direct de cet épisode terrible qui parle. Gardons-nous donc de tout jugement. Cette distance ressort d’ailleurs beaucoup durant tout le récit. La haine, le ressentiment ou tout autre négativisme a peu de place au contraire de l’analyse et du simple témoignage des faits donné par Levi. Analyse qui ressort par exemple ici:
La mémoire est une bien curieuse mécanique: durant tout mon séjour au camp, ces deux vers qu’un de mes amis a écrits il y a bien longtemps me sont régulièrement revenus à l’esprit:
jusqu’à ce qu’un jour dire “demain” n’ait plus de sens
Ici, c’est exactement comme ça. Savez-vous comment on dit “jamais” dans le langage du camp? “Morgen früh”, demain matin.
Bon, même si il y a de la distance par rapport aux “méchants” de l’histoire, on ressent par contre bien le mal que cette tragédie a pu avoir sur lui. Après une année de captivité dans des conditions insoutenables, Levi exprime à quel point sa vie a pu changer:
j’avais un nom de famille, un esprit curieux et inquiet, un corps agile et sain. Je pensais à toutes sortes de choses très lointaines: à mon travail, à la fin de la guerre, au bien et au mal, à la nature des choses et aux lois qui gouvernent les actions des hommes; et aussi aux montages, aux chansons, à l’amour, à la musique, à la poésie. J’avais un confiance énorme, inébranlable et stupide dans la bienveillance du destin, et les mots “tuer” et “mourir” avaient pour moi un sens tout extérieur et littéraire. Mes journées étaient tristes et gaies. Mais je les regrettais toutes, toutes étaient pleines et positives; l’avenir s’ouvrait devant moi comme une grande richesse. De ma vie d’alors il ne me reste aujourd’hui que la force d’endurer la faim et le froid; je ne suis plus assez vivant pour être capable de me supprimer.
La machine de guerre Hitlérienne a heureusement échoué. Au passage par contre bien des vies ont été détruites. Les survivants tels que Levi font office de témoins, témoins salvateurs dont l’Histoire a besoin pour ne pas retomber dans des idées si mauvaises, si inhumaines. Pour certains Levi se serait donné la mort en 1987, d’autres ne veulent le croire faute de preuves mais aussi et surtout pour ne pas croire que le témoignage emprunt de force de vie et d’abnégation face à la terreur ne puisse finir si tragiquement.
Quoiqu’il en soit, le témoignage de Levi fait partie des livres que j’ai le plus aimé cette année.
J’ai le sentiment là tout de suite que cette critique n’en est pas vraiment une, que ce que j’ai écrit est de piètre qualité. C’est comme ça parfois, mais bon ou pas, je tiens à publier ce billet. Je voudrais bien sûr écrire que des choses de qualité mais il faut beaucoup se planter pour réussir à ce qu’il paraît.
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